La saga des ESTIENNE de la Vallouise.
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Vallouise |
"...nous ne possédons d'autre vie, d'autre sève, que les trésors hérités du passé.." écrit Simone Weil dans
"L'enracinement".
Lorsque notre aîné avait entrepris de remonter à la source agnatique de notre patronyme, il s'était retrouvé bloqué à St.Lattier avec la sépulture, en 1706, de notre Jean ESTIENNE, inscrite dans le registre paroissial. Ayant pris le relais, je n'ai pas ménagé les efforts aux fins de trouver parmi des actes plus anciens une origine baptismale à ce Jean, mais rien - dans les branches de la région (Saint-Chamond et Hauterives) ne me permit de retrouver trace de son baptême.
Le hasard a voulu que vienne à ma rencontre un enseignant-chercheur au CNRS, Michel PROST, qui a étudié les migrations dans les vallées alpines et dressé un registre de populations informatisé sur la Vallouise-en-Briançonnais. Un travail gigantesque, qui ne se contente pas des registres de paroisses, mais aussi des différents contrats, de toutes natures, et autres testaments qu'il a épluché et saisi dans les livres anciens des notaires de la région.
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Quelques travaux de Michel Prost |
Il m'a expliqué que les
ESTIENNE, dans cette vallée, se comptent par milliers, sur plus de dix générations. Ils étaient même tellement nombreux, que - pour ne pas les confondre, car ils ont des prénoms souvent proches - on les différenciait par leur métier ou leur lieu d'habitation : ainsi, il y avait des "Pelissier", des "Rossignol", des "Burais"...etc.. M. Prost me précise que les ESTIENNE sont lettrés pour la plupart, et que nombre d'entre eux deviennent prêtre ou professeur. L'une de ses publication est d'ailleurs consacrée aux ecclésiastiques, leurs familles et les pratiques migratoires dans les vallées du Haut-Dauphiné.
Le contact s'est établi lorsqu'il a découvert qu'un certain Messire Vincent ESTIENNE, d'une fratrie de quatre, obtînt son "titre clérical" en 1645 et fut "possessionné de la cure de St.Lattier" en 1658. Il s'y est rendu accompagné de deux jeunes enfants orphelins de l'un de ses frère, Antoine, dans le but de les enseigner car ils étaient alors fort jeunes ; Jean, notre ayeul, devait avoir moins de dix ans, et sa soeur, Magdeleine, moins de huit ans. Naturellement, je recevais ces précieuses informations avec joie, pour ne pas dire gourmandise, car ses travaux allaient me permettre de faire un bond de dix générations d'ESTIENNE sur la Vallouise, jusqu'à notre plus ancien ancêtre connu, un certain
Gonnet, qui vivait en lieu dénommé "La Pisse", de la paroisse de Vallouise, entre 1386 et 1448, dont les traces archivées nous permettent de dire qu'il avait quatre enfants, qu'il possédait des terres nobles (révision des feux de 1434) et dont on trouve plusieurs contrats d'achat de "tènements", moyennant des "florins". Au-dessus de Jean, on dénombre donc exactement neuf générations d'ESTIENNE "Mestre pelissier" pour la plupart, c'est à dire dont le métier était le travail des peaux de bêtes.
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St. Lattier - l'église |
A ce niveau, il convient de dire que le patronyme s'écrit ESTIENNE mais se prononce É-tienne. Ce n'est qu'à partir de la Révolution que - dans les registres d'état-civil - le "S" disparaîtra.
Nous voici donc vers 1700 à St.Lattier avec Jean qui va étudier, s'instruire, mais aussi travailler ; il sera "pontanier". Etant donné que le village est situé au bord de l'Isère, un fleuve sauvage à cette époque, il était nécessaire de pouvoir traverser d'une rive à l'autre, afin d'assurer les échanges, or les seuls ponts sont à Grenoble et à Romans. Dès le 14° siècle, un "bac à traille" est créé pour relier St. Lattier à Eymeux (en face) et Hostun. Mais comme Jean sait lire/écrire, il remplit très souvent le registre des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse ; le premier acte signé de sa main est pour la baptême d'un certain Joseph Chabran le 26 juillet 1668. Il devait avoir 18 ans.

Des lacunes dans les registres ne nous ont pas permis de retrouver son mariage, mais il est sûr qu'il est d'avant 1672 car en novembre de cette même année, sa femme Louise LOMBARD est dénommée "épouse de Jean ESTIENNE pontanier sur l'Isère". La famille habite au bord de la rivière, une maison qui existe encore de nos jours, et qui porte le nom de "Port de Périer", face à l'ancien bac à traille, dont des traces subsistent sur les berges. Le bac du Périer autorise le passage des "charrettes, coches, carrosses et équipages" ; il appartient au Seigneur de l'Arthaudière qui possède un chateau à quelques kms de St.Lattier, édifice que l'on peut visiter aujourd'hui.
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Chateau de l'Arthaudière |
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Le Port du Périer en 1950 |
En 1675, Jean est dit "Sergent royal de St.Lattier" ; en 1685, il est dit "Huissier". Il faut dire que son beau-père lui a certainement été d'une aide dans cette ascension sociale, puisque Antoine LOMBARD fut lui-même Sergent royal de St.Lattier, et que sa femme, Emarentiane
CHOSSON, descend d'une famille noble. Jean s'éteindra en 1706, il a 58 ans ; sa femme Louise en 1745, à 89 ans, après avoir déposé chez le notaire trois testaments. Ils eurent dix enfants, et donc une nombreuse descendance derrière eux.
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Mort Jean ESTIENNE |
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Testament Louise LOMBARD |
Pour la petite histoire, c'est par Louise LOMBARD et son ascendance CHOSSON que l'on se retrouve avoir des liens de sang avec de grandes familles de la noblesse française, en passant par les BANU-QASI (descendants de Cassius Fortunius BORJA, Comte wisigoth), ces fils de Cassius, qui gouvernèrent Saragosse, jusqu'à Egilona De CORDOBA l'arrière-petite-fille de Clovis. Mais cette petite liste n'est qu'exhaustive...
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Comte Cassius, Seigneur de Tolède & Taragone |
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Princesse Egilona |
A suivre : la saga des ESTIENNE de St.Lattier.
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