lundi 13 novembre 2017

Histoire de l’émigration de la famille CROZEL

Histoire de l’émigration de la famille CROZEL

Marie ETIENNE est née en 1861 à St.Paul-lès-Romans. Joseph , son père, s’y était installé comme maçon-tuilier, mais c’est son grand-père (Jean André) qui avait quitté le village natal de St.Lattier pour venir s’y marier avec une fille du lieu, devenant alors « cabaretier », nom d’un corps de métier très réglementé qui remonte à Henri III pour désigner « une personne qui sert du vin au détail et à manger », autrement dit – en langage de nos jours - un bar/restaurant. Marie était la cadette de la famille et - à sa majorité - elle était montée à Paris, rue des Gravilliers, au coeur du Marais, pour y exercer un travail de modiste.


C’est cependant dans la Drôme qu’elle rencontra « Paul » Aimé Ferdinand CROZEL, né en 1854, Propriétaire-cultivateur à St. Paul et Mercurol, avec lequel elle se marie en 1888 à Saint-Paul-lès-Romans. Au début, la famille habite St. Paul, un quartier campagnard du bord d’Isère dénommé à Belle-Vue ; puis, en 1913, elle déménage sur La Roche de Glun. Le couple eut cinq filles et deux garçons dont le premier, Pierre, Sapeur au 4° Rgt de Génie, fut blessé en 1916 au cours de la bataille de la Somme et trouva la mort « dans l’ambulance ». Son frère cadet, Joseph (de la classe 1920), s’engagera dans l’armée américaine deux ans plus tard à ses 18 ans.


C’est à partir de cet engagement qu’il me fallait rechercher les dates et causes de l’émigration de nos cousins aux États-Unis… Les documents d’Ellis Island permettent d’en retrouver les traces. Ellis Island, c’est le nom de cette petite île à l’embouchure de l’Hudson, près de New York, qui abrite la Statue de la Liberté (un cadeau de la France), et où furent débarqués douze millions de migrants venus chercher leur avenir au Nouveau Monde entre 1892 et 1954. L’auteur slovène Louis Adamic, arrivé en 1913, décrivit la nuit qu'il avait passée à Ellis Island : lui et plusieurs autres immigrants dormirent sur des lits dans un long corridor. N'ayant pas de couverture chaude, le jeune homme ne put dormir de la nuit, entendant les ronflements et plusieurs rêves se passant dans différentes langues. Il décrit aussi une cuisine tellement grande qu'elle pouvait accueillir 1.000 personnes.


Grâce à ces documents d’archive, on découvre alors que le papa CROZEL a embarqué au port du Havre sur le Chicago, seul avec sa fille Marguerite alors âgée de 18 ans, arrivés à New-York le 26 octobre 1914. 


La maman et deux autres enfants, Joseph et Andrée, ont embarqué pour la même destination sur le Chicago et sont arrivés à New-York le 2 mars 1915, ce qui explique que Joseph se soit engagé dans l’armée US en 1918 dans l’état du Montana ; enfin, Blanche, la cadette, a embarqué à l’âge de 15 ans sur le Touraine, destination New-York où elle est arrivée le 25 avril 1919, accompagnée de sa sœur aînée Geneviève qui l’avait hébergée chez elle à Valence durant la guerre. Entre-temps Geneviève avait dû gérer la mort de son frère Pierre, tué à la guerre en 1916, faire rapatrier son corps à St. Paul où il sera enterré dans le caveau familial. Quelle peine cela a dû causer aux parents de ne pouvoir y être !



En définitive, après le conflit mondial et dès mai 1919, toute la famille se trouve donc regroupée à Superior, une ville du Comté de Mineral dans le Montana, y compris Geneviève (qui reviendra ensuite en France pour se remarier). Les filles Andrée et Marguerite CROZEL se marieront et s’installeront dans l'Oregon ; quant à Joseph CROZEL il fera sa vie un état voisin, l'Idaho, on y reviendra plus loin… C’est ce qui ressort des données du grand recensement de 1920 aux États-Unis. Il est à noter que tous ces états se situent dans le même secteur du nord-ouest des États-Unis.


Restait à élucider le motif de leur immigration aux Etats-Unis…. Certes, la documentation nous apprend qu’à la suite du déclenchement de la guerre, il s’est produit une importante vague d’émigration depuis le vieux continent vers le nouveau, les contingents les plus nombreux étant ceux composés de russes et d’italiens, dont le fameux Lucky Luciano. Une étude scientifique mentionne : "Ils affluaient dans les villes et formaient la plus grande partie de la main-d'œuvre industrielle, rendant ainsi possible l'apparition de grosses entreprises, notamment dans les domaines de la sidérurgie, du charbon, de l'automobile, des textiles et de la production de vêtements, ce qui permit aux États-Unis de prendre place parmi les géants économiques du monde."

Holy Cross Cemetery - Spokane
Il est bien connu que c’est la capacité des industries militaires à innover et à produire des armements et munitions (chars d’assaut, artillerie, aviation, sous-marins, cuirassés) en très grande quantité qui fera la différence pour la victoire entre les clans ennemis. Or, le Montana est un réservoir énorme de charbon, d’argent, et de cuivre. Mais il recèle aussi de verts pâturages, et tout porte à croire que Paul Crozel a voulu bénéficier du « Homestead Act », cette loi de propriété fermière qui a encouragé des millions d'Européens à émigrer vers les États-Unis pour cultiver la terre ou faire de l’élevage et qui a contribué valoriser la notion de propriété privée dans la mentalité américaine. Paul a vendu ses biens de la Drôme pour investir et prospérer - à partir de ses connaissances et expériences agricoles - entre Superior dans le Montana où il est recensé en 1920, et Spokane dans l’état voisin de Washington, où il est recensé en 1930 et où il mourra l’année suivante, agé de 75 ans. Sa femme Marie mourra à San Francisco (où réside sa fille Marguerite) en 1948 à l’age de 87 ans. D’ailleurs, tous nos cousins sont inhumés au Holy Cross Cemetery ou au Greenwood Memorial Terrace de Spokane, dans l'état de Washington.

Passons aux enfants….

1- Roze Marie « Geneviève » (1889-1971) l’aînée, s’est mariée en 1911 avec Alphonse Ducros, de qui elle eût un fils, commerçant à Valence. Comme tous ses frères & sœurs, Geneviève a passé une partie de sa vie aux États-Unis où elle émigre en 1919 après sa séparation ; on découvre qu’elle a travaillé à San Francisco puisqu'elle dispose d'un N° de sécurité sociale en Californie ; après son voyage de 1919, elle revient en France et se remarie sur le tard en 1934 avec un poilu de Nice, Jacques MARIA ; ce dernier ayant souffert des gaz moutarde dans les tranchées était très traumatisé des combats et décédera après trois mois de mariage. Geneviève se retrouve donc seule à Nice, elle rentre à Valence, à proximité de son fils.

D'après René Pouzin, l’un de ses cousin aujourd’hui disparu, Geneviève Crozel a eu un enfant de son premier mariage avec Alphonse Ducros : info confirmée et référencée (date et lieu naissance) par Guy Fourneron : il s’agit de Robert Alphonse Ducros, né en 1912, marié avec une Humbert, boulanger à Valence, qui ont eu deux enfants… (à suivre).

Ces maigres informations, je les ai reçues d’une amie généalogiste : « Le cousin Jacques (MARIA) et son épouse se sont mariés à Nice et y ont vécu jusqu'à la mort de Jacques fin 1934. Cette dernière date est exacte, je l'ai encore vu gravée sur le caveau familial cet été au cimetière Saint-Barthélémy de Nice. Pour les enfants il n’y a rien. Ceci dit, à 45 ans au jour de son mariage et avec un maximum de 3 mois de mariage, ce n'est pas étonnant !
Tout ce que je sais me vient de mes souvenirs d'enfant et de ce que me racontait ma pauvre grand-mère. Aujourd'hui il n'y plus de personne vivante les ayant connu, le frère cadet de mon père, et ses cousins germains n'étaient pas nés et ils ont les mêmes informations que moi : à savoir que Jacques, traumatisé par les tranchées et très probablement gazé, avait mal vécu son retour à la vie civile, dans tout les sens du terme, et l'après guerre. Pour son épouse, aucune information. J'ai d'ailleurs cru - jusqu'à ce que je trouve la date du mariage - que Jacques était décédé célibataire et je ne suis pas la seule ; mon oncle et ses cousins aussi ! Ma grand-mère parlait de Jacques, mais jamais de sa femme. Voilà, c'est tout ce que je sais. – Cordialement, V. TEISSEIRE. »

Par la suite, en 1943, on trouve trace de Geneviève à Vichy, qui travaille sans doute au service de l’administration française de l’époque ; elle s’éteint en 1970 dans son appartement de Bourg-lès-Valence. Avec Pierre, elle est la seule de la fratrie à être inhumée dans le caveau CROZEL de St.Paul.


2- Augusta « Andrée » Lucie (1891-1971) va épouser Louis Lagier en 1915 puis – en seconde noce - Joseph Croteau en 1917 ; ils s’installent dans l’Idaho, et reposent au Holy Cross Cemetery de Spokane, dans l’état de Washington.

Ils eurent un fils, Hubert Croteau (°1919 +2006) qui sera pilote de bombardier dans l’armée américaine. Au cours de la seconde guerre mondiale, Hubert prend part aux bombardements sur le territoire français. Il épouse en 1941 à Spokane Mlle. Nathalie Dumas, une Professeur à la St. Paul & St. Francis High School. Vers la fin des années 60, comme il tenait à voir le pays natal de sa mère Andrée Crozel, tous les deux ont effectué un voyage en France, se rendant notamment à St. Paul pour visiter leurs cousins germains Pouzin.

Hubert & Nathalie ont eu les honneurs de la presse locale lors de leurs 60 années de mariage, anniversaire fêté en août 2001, à Sisters, dans l’Oregon ! (source : Eugene Register-Guard - Sep 30, 2001). Aux dernières nouvelles, Nathalie serait encore là.


Ils ont eu deux enfants : Jim, et Mary-Anne :
- Jim est marié avec Maria, dont naît Amanda en 1981 (dans l’Arizona).
La famille vit dans l'Oregon, à Eugene, où il dirige une chaîne de restaurants.


- Mary Anne, mariée avec Robert Woodell, dont naît Dan (en Autriche aujourd’hui).
La famille vit dans l'Oregon, successivement à Sisters, Beaverton et Portland

3- « Pierre » François Hubert (1893-1916) – Sans postérité
Sapeur au 4° Régiment de Génie - Mort pour la France en 1916 à Hangest-en-Santerre, Somme. Décoré de la Médaille Militaire à titre posthume. Son nom est gravé sur le monument militaire au centre du cimetière de St. Paul et sur la plaque de Mairie, mais aussi sur le monument aux morts de La Roche de Glun, où il résidait lors de la mobilisation en 1914 et où est transcris son acte de décès.


4- « Marguerite » Céline Phanie (1896-1978) a épousé Olaf Rood en 1918 d’où deux enfants : Olaf et Josette dont je cherche la trace. La famille a quitté le Montana pour la Californie, à Sacramento puis à San Francisco, raison pour laquelle Marie Etienne y a probablement résidé après la mort de son mari. Elle a obtenu la nationalité en 1946. Elle est morte en 1978 dans l’Oregon.

5- « Marie » Madeleine (+ en 1897)
morte à 1 jour et inhumée à St. Paul (pour mémoire)

6- « Joseph » Paul Marcel (1900-1962)
Sur son acte de naissance de 1900 en Mairie de St.Paul, cette mention manuscrite : "En cas de présence, prévenir la gendarmerie de Romans".
Nul doute que la raison de cette mention, c’est qu’il ne s'est pas fait recenser en France… Et pour cause, il a été incorporé dans l'armée américaine le 18 septembre 1918, engagement signé dans le comté de Siver Bow, Montana et enregistré dans le World War I Draft Registration Cards, sous le N°3503.
Il se marie en 1926 avec Ruth Wilkerson avec qui il s’installe à Millan dans l’Idaho et de laquelle il y a eu plusieurs enfants (en cours de traçage) ; il est mort à 62 ans en 1962 à Osburn, dans l’Idaho, mais inhumé à Spokane.


Ce qui se dégage à son sujet, c’est un malheur qui a laissé des traces dans l’actualité de l’état… Son fils cadet, Paul, né en 1939, est mort en 1958 dans un accident d’automobile à Kellogs, Idaho : « ... dans l'Oregon National Forest, à la suite d'un accident de la route entre Enaville et Kellogg. Il était au volant du pick-up, accompagné de Lauren Stroud, 17 ans et leur véhicule tomba dans la Sandy River. Le troisième passager Peter Self, 16 ans, réussit à nager et regagner la rive. 


Leurs corps furent recherchés pendant plusieurs jours dans la rivière par son père, Joseph Paul et des amis (source : The Post-Register, 5 Jun 1958 - Idaho Falls, Idaho) »


Le corps de Lauren fut retrouvé ; mais jamais celui de Paul ; (source : Spokane Daily Chronicle - Jun 5, 1958). Au cours des longues et multiples recherches entamées par le papa et avec l’aide des habitants du comté, il se produisit même un accident aérien !


7- « Blanche » Sidonie (1903-1994) dite Lilette – Sans postérité, elle aussi a obtenu la nationalité américaine en 1937. Le plus souvent, elle a vécu en compagnie de ses parents, les suivant à Spokane, où elle est demeurée jusqu’à sa mort en 1994 à l’age de 90 ans. La dernière de la fratrie est inhumée au Holy Cross.


Voilà ! J’ai voulu retracer l’itinéraire peu commun d’une famille qui quitte tout pour tenter l’aventure au nouveau monde, et qui réalise son rêve : le rêve américain, par lequel toute personne vivant aux Etats-Unis peut devenir riche et prospère par son courage, son travail et sa détermination. Il faut savoir que la loi fermière a été abrogée en 1976, et que l’immigration aux Etats-Unis est devenue plus difficile de nos jours. Le centre fédéral d’immigration d’Ellis Island a été fermé en 1954 pour se transformer en décor de film et en musée et de plus en plus d’immigrants cherchant à entrer doivent déchanter rapidement face à la transformation sociale du pays, pour ne pas dire son déclin entamé. La fameuse « american way of life » basée sur un excès de consommation, la prédominance de l’image et de la publicité a fait la place à une société écartelée avec d’un coté les très riches, de l’autre des populations de plus en plus pauvres. Le rêve américain est en passe de devenir l’enfer.



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