- Histoire des Moteurs BURLAT
- Joseph, Joannès, Eugène et Antoine BURLAT, (1881-1957, le leader de la fratrie)
Les
quatre frères BURLAT sont
nés à Rochetaillée (Loire), de Joanny et Marie JAY. Au recensement
de 1881, on apprend qu’ils disposaient de plusieurs domestiques et
voituriers. Leur père était meunier ; il fabriquait et vendait
ses farines, et il fut élu Maire de Rochetaillée en 1882. Ses
affaires marchèrent si bien que la famille quitta ensuite
Rochetaillée pour s’installer à Montverdun où Joanny avait
acheté des terres. Il fut également membre de la Société
d’Agriculture, Industrie, Sciences, Arts et Belles Lettres du
département de la Loire, avec son cousin Jean Louis, qui était
fabricant de pointes à l’Etrat. Son
père, Jean-Pierre Burlat, avait quitté St.Genis-Terrenoire, le
berceau de la famille, avec trois de ses frères pour fonder à
Rochetaillée, au lieu-dit des Quatre Aigues, une fabrique de pointes
& épingles. On voit encore de nos jours, au bord du Janon, la
grande cheminée de briques qui servait au fourneau de fabrication de
la forge. Par la suite, l’idée de monter un moulin renforça les
activités des frères Burlat, et c’est dans ce contexte que Joanny
envoya ses quatre fils Joseph,
Joannès, Eugène et Antoine (le cadet, mais aussi le leader)
faire leurs études techniques à Lyon. Joanny
meurt en 1894, et la famille va alors déménager, d’abord à
Pont-de-Cheruy, puis à Lyon, 22 rue Ste. Pauline.
Ils
installèrent,
en
1905 à Villeurbanne près de Lyon, rue Poizat, un atelier de
constructions de moteurs « BURLAT Frères» ; l’ainé
avait alors 33 ans, et Antoine le cadet n’en avait que 23.
Ils
fabriquent d’abord
des
moteurs d’automobiles,
vendus
à NSU,
BSA, Cleveland,
Indian,
Harley-Davidson
...,
puis il
s’intéressent à
l’aviation,
car
à partir de 1910 le moteur aérien devient un véritable défi
technique. Puissant et léger, voici les deux conditions
contradictoires qui sont requises pour parvenir à réaliser un
moteur fiable et endurant. Si les aéroplanes naissants peuvent se
contenter d’un moteur fonctionnant quelques minutes, le temps d’une
envolée, les dirigeables doivent tenir l’air des heures durant et
sans la puissance de leur moteur, ils sont désemparés ; c’est
pourquoi, sur la plupart d’entre eux, sont montés deux moteurs,
généralement placés aux extrémités de la nacelle.
L’ingénieur
lyonnais Antoine Burlat présente donc un moteur aérien de 35-40 ch
à huit cylindres en étoile (ou plus exactement en X) ayant une
triple particularité : bi-rotatif, refroidi par air, à vilebrequin
roulant dans le carter. Le fait que le moteur soit bi-rotatif
constitue en soi une nouveauté. En effet, sur la plupart des
rotatifs, le vilebrequin est fixe. Sur le moteur Burlat, le bloc
moteur et le vilebrequin sont tous les deux rotatifs. Le fait qu’il
soit refroidi par air, une technique encore assez peu employée à
l’époque, indique un moteur léger : 85 kg. Un rapport
poids/puissance de 2,4 qui n’est pas extraordinaire, mais ce qui
fascine les observateurs, c’est son système de vilebrequin
tournant. Le moteur Burlat était révolutionnaire pour l’époque :
il se composait essentiellement de 8 cylindres à ailettes disposés
en croix, dans lequel le vilebrequin, au lieu d’être fixe comme
dans le moteur Gnôme, était tournant. Et d’ailleurs, pour la
petite histoire, en 1912, la Société des Moteurs Gnôme assignera
la Société des Moteurs Burlat pour contrefaçon ; mais la
démarche des héritiers de Marc Seguin se heurtera au conclusions
des experts nommés par la Cour d’Appel de Lyon.
En
1913, un biplan Dufaux, équipé d’un moteur Burlat, vole pour
la première fois à
Bron, piloté par l’aviateur
bien connu François Durafour.
Certain de leur
réussite, les
Burlat
créent
à Lyon, début 1910, une nouvelle
société
portant le nom de son invention, la « Société des Moteurs
Rotatifs Burlat » ; ils
émettent des bons d’emprunt.
Basé
sur un brevet ancien puisque déposé le 9 avril 1904 (n° 23.079),
le « rotatif » Burlat de 35-40 ch est présenté à Paris au Salon
de l’aéronautique en septembre 1909. Il fait sensation. Mais
personne dans la presse n’est capable d’expliquer son
fonctionnement. Bi-rotatif ? L’ingénieur chargé de sa
présentation parle du théorème de Lahire. Du coup, personne n’y
comprend plus rien. Mais ceci n’explique pas la mévente de la
mécanique.
Testé
par l’armée à Chalais-Meudon en 1910, pour une utilisation dans
un dirigeable, le 35-40 ch dont la cylindrée est de 6,8 litres
développe en réalité 25 ch. Commercialisé fin 1910 pour la somme
assez modique de 6.500 francs, le rotatif Burlat, malgré son
mystère, est totalement dominé en performances par les produits de
la Société des Moteurs Gnôme, l’Omega, qui développe 50 ch en
1910 pour un poids de 76 kg, et l’Omega2, un 14-cyl de 100 ch dont
le rapport poids/puissance est proche de 1.
Les
efforts des
Burlat se reportent alors sur le 8-cyl de 65-70 ch (les techniciens
du Génie à Chalais-Meudon ne mesurent qu’une puissance de 55 ch à
froid) dont la cylindrée est portée à 10 litres, et sur le 16- cyl
de 140 ch (qui développe 105 ch dans le meilleur des cas) dont la
cylindrée est de 20 litres.
En
tout état de cause,
le moteur bi-rotatif BURLAT
continue
à fasciner (encore
de nos jours),
sans doute par suite du fait que personne ne comprend comment il
fonctionne véritablement. Le 65-70 ch, rebaptisé plus justement 60
ch en 1912, est commercialisé 11.000 francs. Comme le 35-40 ch, ce
moteur ne trouve aucun acquéreur. La Société des Moteurs Rotatifs
Burlat doit
cesser ses activités
en avril 1914 après qu’elle ait déposé plusieurs brevets sur son
moteur, n° 1400999 en France en date du 16 janvier 1913, n° 71501
en Suisse en date du 13 janvier 1914.
Puis
c’est la guerre… Les quatres frères sont mobilisés en août
1914, mais ils ne monteront pas au front : Joseph, l’ainé ,
sera détaché à l’Usine Salmson de Villeurbanne, un constructeur
de moteurs d’avion qui a connu le succès commercial dès 1908 en
remportant ses premiers gros contrats. Joannès sera détaché à la
Société de Roulements à Billes de Levallois-Perret, Eugène sera
détaché à la maison Buffant-Rabatel de Lyon, puis chez Salmson, et
enfin Antoine sera aussi détaché chez Salmson pour diriger les
fabrications pour l’aviation.
Antoine
BURLAT, qui invente – à
titre personnel - divers
projets, ne parvient
pas à
les commercialiser. Après
l’armistice, la
société
BURLAT,
qui était en sommeil, est
alors
définitivement dissoute
en 1919, et
il
entre comme ingénieur au bureau d’études Berliet où il terminera
sa carrière. Antoine, le dernier des quatre frères, est décédé
en 1957. Joseph,
Joannès, Eugène retrouvent également des postes dans la région
lyonnaise avant de s’éteindre : Joseph à Lyon en 1945,
Joannès à Villeurbanne en 1953 et Eugène à Givors en 1954.
Par
ce papier, saluons, près d’un siècle plus tard, le dynamisme des
petits ateliers mécaniques français passionnés par les innovations
et le développement créatif, qui ont investi parfois des millions
de francs, comme les Burlat, dans la réalisation de leurs
inventions, sans retour sur investissement.
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