lundi 27 novembre 2017

La saga des ESTIENNE de Saint-Lattier.

La saga des ESTIENNE de Saint-Lattier.


" Saint-Lattier, en mémoire de Saint-Eleuthère, du nom du 13° Pape de l’Église catholique, qui prit la défense des martyres chrétiens persécutés à Lyon sous Marc-Aurèle, en l’an 177 : Saint Pothin, l’évêque, Sainte Blandine et leurs 46 compagnons…"


Des « ESTIENNE » vécurent donc à Saint-Lattier pendant près de trois siècles, venus de la Vallouise en 1658 par le destin de Messire Vincent ESTIENNE, nommé Curé de la paroisse, et qui était accompagné de ses neveux Jean et Magdeleine. Le curé s’éteindra en juin 1669. Magdeleine épousera Antoine CHOSSON, le fils d’un avocat de Saint-Marcellin qui était aussi Procureur d’Office à St. Lattier et petit-fils de Charles CHOSSON, Chatelain de St. Lattier.

Mariage de Magdeleine Estienne & Antoine Chosson

Cette auguste famille, dont est issue Louise LOMBARD, habitait une maison forte dite « Le Périer », pas très éloignée du port du Périer, en allant sur la voie de Vachères et St. Hilaire. Cette maison existe encore, devenue aujourd’hui la propriété de la famille DOYON. Notre ancêtre Charles CHOSSON eut quelques démêlés juridiques avec Mr. De la Porte, le Seigneur de l’Arthaudière qui possédait les droits de péage sur la circulation des marchandises sur l’Isère ; descente de radeaux de bois vers le Rhône et Marseille, remontée de bateaux chargés de sel, de blé et autres marchandises.


Le premier né et baptisé « ESTIENNE » du couple Jean & Louise LOMBARD sur St. Lattier, ce fut en 1673. Au cours des cinq générations qui s’y sont succédées c’est une cinquantaine de naissances sous ce patronyme enregistrées au registre de la commune, et plus de 500 descendants répertoriés, sous des patronymes multiples, car la caractéristique du mariage des demoiselles, c’est qu’elles prennent le nom de leur mari. Bien évidement, ce chiffre n’est qu’exhaustif et ne tient pas compte des branches latérales sur lesquelles des recherches se poursuivent quand elle ne se perdent dans des migrations sur d’autres territoires.


Que doit-on retenir de la première génération née au village ? D’abord des filles, sept pour trois garçons. Ici, nous n’allons pas entrer dans l’examen détaillé de toutes les filiations, mais nous arrêter à quelques unes…

Et je voudrais mentionner le cas très exceptionnel de Françoise ESTIENNE (1677-1714) qui épouse un UZEL. On retrouve dans sa lignée un certain Joseph TIGNEL qui – en 1818, après son mariage – descend s’installer à Marseille car il est tailleur au 5° Rgt. de Ligne et réside au Fort St. Jean. Ce régiment est l’un des plus ancien et illustre de l’armée française, créé sous l’ancien régime, qui prit part aux campagnes de Napoléon et se rallia à lui lors des Cents Jours, avec l’épisode fameux du Lac de Laffrey… On arrive ensuite sur Amédée DELPHIN, fils et petit-fils de distillateur, qui épousera en 1921 à Lyon Marie Louise ETIENNE, une cousine germaine de notre père. Il s’agit d’un hasard rarissime où deux époux (sans le savoir) ont les mêmes ancêtres à huit générations d’écart. Ce n’est pas tout ; Amédée et Marie Louise avait un garage d’automobiles à Vichy où ils s’éteignirent le premier en 1971, la seconde en 1945. C’est à croire que les liens entre la distillerie et l’automobile sont une marque de fabrique !


Celui de Jean ESTIENNE est à mentionner, lui qui épouse une RANCHON et va s’installer à St.Jean-en-Royans en 1716, là où naissent leurs enfants. Sa dernière présence est signalée à La Sône en 1739 pour le contrat de mariage de sa nièce Marguerite UZEL. Et après, plus rien, aucune trace de sa famille, ni du coté de St. Lattier, ni à St.Jean. Famine, épidémie, froid glacial… comment expliquer cette soudaine disparition ?


A la seconde génération, c’est donc la branche de Claude ESTIENNE (1685-1736) qui va être la plus porteuse d’avenir, malgré le fait qu’il s’éteint relativement jeune, laissant sa femme Jeanne BONNARDEL avec huit enfants âgés alors entre 1 et 12 ans ! Les enfants naissent au « Port de Périer », dénommé parfois dans le registre « hameau de Jean Estienne ». Claude va ajouter la culture des champs et l’élevage à son travail de pontanier sur l’Isère. L’un de ses fils, Pierre, onze ans, va d’ailleurs se noyer dans l’Isère en août 1738. Un second, Alexandre, disparaître totalement de la circulation après 1765 (il a trente cinq ans ) après avoir été présent au mariage de deux de ses sœurs et parrain de plusieurs nièces. Que de mystères sur ces absences ou disparitions !


Troisième génération : c’est donc un second Claude ESTIENNE (1726-1788) qui va assurer la descendance agnatique. Il épouse une certaine Françoise THOMAS qui mourra en 1739 à seulement trente huit ans suite aux difficultés d’accouchement de son dernier fils, Jean-François. Peu avant de s’éteindre, Claude mettra en forme son troisième testament, répartissant ses biens entre ses six enfants survivants.


Quatrième génération : sur le plan agnatique, on va alors avoir un troisième Claude ESTIENNE (1765-1817), l’aîné de la fratrie, qui conserve le Port du Périer, Jean-André ESTIENNE qui va partir à St.Paul-lès-Romans pour y ouvrir un « cabaret » (café-restaurant), et Joseph ESTIENNE qui va ouvrir une menuiserie aux Fauries, un quartier sur la route menant à Romans, mais comme ce dernier n’aura qu’une fille partie ensuite à Murinais avec son mari, la saga sur St.Lattier ne se poursuit donc qu’avec Claude.


On entre à présent dans la période révolutionnaire où l’état-civil va généraliser la disparition du « S » de ESTIENNE. Claude va prospérer sur les terres léguées par son père. En 1790, il a 24 ans lorsqu’il épouse Marie MIETTON, et – assez – rapidement – il entreprend de faire édifier, à quelques pas du Port du Périer, un vaste bâtisse drômoise en pierres de rivière, une demeure que l’on peut encore observer de nos jours puisque située en un quartier dénommé « La Rivière », juste en dessous du pont de l’autoroute reliant Valence à Grenoble. Elle a été transformée par le propriétaire en plusieurs appartements, car démembrée lors de la succession de Joseph ESTIENNE (1826-1913) qui fut le dernier ESTIENNE occupant de cette maison.

La maison de La Rivière

Dans la famille, on racontait par transmission orale une histoire assez extraordinaire… Lors du « Vol de l’Aigle » en 1815, le retour de Napoléon de l’île d’Elbe, l’Empereur - après avoir rallié le 5° de Ligne à Laffrey - est arrivé à Grenoble le 7 mars où il a passé deux jours à l’Hôtel des Dauphins, où il signa ses premiers décrets impériaux ; le 9 mars, il s’est arrêté à Rives, a pris un frugal repas à l’Hôtel des Postes, pour arriver à Bourgoin tard dans la nuit, accompagné de ses 7.000 hommes, fantassins & cavaliers. Les chevaux de l’Empereur avaient besoin d’énormément de fourrage et d’avoine pour les accompagner dans leur voyage de remontée vers Lyon, et Claude ETIENNE aurait alors procuré des charrettes pleines des denrées nécessaires à la petite armée. L’Empereur, pour le dédommager, lui aurait fait don du Château de Ravello sur la côte amalfitaine d’Italie. Du coté de chez nous, jamais nous n’avons vu un tel papier, et il est probable que – si il existe – il sera resté en possession du fils aîné de Claude : Jean ETIENNE (1791-1862), qui deviendra Notaire et Maire de St. Lattier.

Le tambour André Estienne

Cinquième génération. De Claude & Marie MIETTON naîtront dix enfants, mais seuls trois survivront et feront souche : Jean (déjà évoqué ci-dessus), Joseph (1799-1871) et Ferdinand (1810-1867). Jean et Joseph resteront sur St.Lattier, tandis que Ferdinand, après son mariage, ira s’installer à St.Jean-en-Royans.


1/- Jean ETIENNE (1791-1862) épousera en 1813 Marie-Anne CHEVALIER de laquelle il aura cinq enfants. Lorsqu’il est jeune, Jean est « cultivateur aux Pierrets » ; mais vers 1819 il reprend l’étude notariale de Jean Meynier, Notaire à La Rivière. Ce dernier est un bon ami de Jean, au point qu’il est témoin à son mariage et parrain de plusieurs de ses enfants. Puis, il sera élu Maire de St. Lattier et assurera plusieurs mandats. Il acquiert une grande demeure bourgeoise, pourvue de nombreuses pièces, avec grands salons et escalier d’honneur, propriété dénommée « L’Olivier », qui est aujourd’hui une foyer communal, car la propriété familiale sera démembrée en 1891.

L'Olivier, ancienne propriété de Jean Estienne

Parmi ses enfants, seule la branche de Eugène ETIENNE (1827-1877) & Gabrielle SAVOYE a constitué une descendance « ETIENNE », après une migration dans la région lyonnaise à partir de 1877. La branche de Jean-Auguste ETIENNE (1821-1892) se prolonge mais avec des filles. Celle de Charles Ferdinand ETIENNE (1825-1881), Notaire à Rives, s’éteint – agnatiquement parlant - avec la mort du Sous-lieutenant Maurice ETIENNE en 1917 puis celle de son père la Commandant Léon ETIENNE (1857-1927) ; elle comporte aussi des descendants, mais par les filles. Un blog est consacré à leur sujet.




2/- Joseph ETIENNE (1799-1871) épousera en 1825 Marie DURIF, de laquelle il aura deux enfants, dont autre Joseph ETIENNE (1826-1913) qui sera le dernier agriculteur de la famille à habiter St. Lattier. Sa descendance est prospère du coté de la Savoie et de la région drômoise où elle rejoint la famille LEYDIER, du groupe papetier de St.Vallier. De leur maison de La Rivière, il ont assisté à la construction de la ligne de chemin de fer Valence-Grenoble entre 1850 et 1864, la voie passant juste à coté de leur maison. Le bac sur l’Isère sera remplacé par un pont construit en 1875 vers les Fauries, reliant St.Lattier à Eymeux, et donc ouvrant sur le Royans et le Vercors.

La Rivière, de nos jours

3-/ Ferdinand (1810-1867) épousera en 1835 Léoncie ABISSET, la fille d’un Capitaine de Grenadiers de l’armée napoléonienne, et s’installera comme banquier à St.Jean-en-Royans ; il sera aussi « Négociant en soie ». C’est l’époque de la création des premières agences bancaires, rendues nécessaires par le développement du commerce et l’ère de l’industrialisation. Les Abisset sont très nombreux sur St.Jean et vivaient du travail forestier, d’exploitation de bois ; après son mariage, Ferdinand acheta le clos de la famille Abisset, qui appartenait aux époux Charles Raymond & Madeleine Terrot. Cette maison était sise dans la « Grande Rue » du village. Il acheta aussi un « domaine agricole composé de plusieurs maisons d’habitation, de champs et terres labourables, de vignes et prairies » dont hériteront Anne et Hippolyte.


Par la suite, Anne quittera St.Jean pour travailler à Lyon où elle rencontrera son premier mari ; Hippolyte – lui – quittera St. Jean pour Saint-Etienne où il rencontre sa première épouse et ouvre une confiserie. Mais il reviendra à St.Jean durant quelques années, à la suite de son second mariage avec Haydée COUTION, la fille d’un traiteur de St.Jean. En 1903 il liquide tous ses biens, après la mort d’Anna, et revient s’installer définitivement dans la Loire, d’abord à Chazelles, puis à St. Etienne, avec l’objectif d’y monter une distillerie. De ses deux mariages, il aura une descendance, dont les quatre frères ETIENNE qui créèrent la « Grande Distillerie de Saint-Etienne ».


Nous voici au terme de près de trois siècles et sept générations de présence des « ETIENNE » dans ce village de l’Isère. Nous sommes le14 mars 1913, Joseph ETIENNE vient de s’éteindre à l’âge de 86 ans dans sa maison de La Rivière… Deux de ses filles ont quitté le village, l’une a épousé un COTTIN, Instituteur à St.Hilaire, qui va faire souche à Miribel-les-Echelles en Savoie, une autre a épousé un HENRY, Directeur d’une scierie à St.Hilaire-du-Rosier, qui y a fait souche aussi. Ne restent à St. Lattier que deux « demoiselles ETIENNE » qui s’éteindront respectivement en 1939 et en 1944.



[la saga des ESTIENNE continue, avec l’histoire des ETIENNE des branches contemporaines, Lyon, St. Etienne, Drôme]

mardi 21 novembre 2017

La saga des ESTIENNE de la Vallouise

La saga des ESTIENNE de la Vallouise.

Vallouise

"...nous ne possédons d'autre vie, d'autre sève, que les trésors hérités du passé.." écrit Simone Weil dans "L'enracinement".

Lorsque notre aîné avait entrepris de remonter à la source agnatique de notre patronyme, il s'était retrouvé bloqué à St.Lattier avec la sépulture, en 1706, de notre Jean ESTIENNE, inscrite dans le registre paroissial. Ayant pris le relais, je n'ai pas ménagé les efforts aux fins de trouver parmi des actes plus anciens une origine baptismale à ce Jean, mais rien - dans les branches de la région (Saint-Chamond et Hauterives) ne me permit de retrouver trace de son baptême.

Le hasard a voulu que vienne à ma rencontre un enseignant-chercheur au CNRS, Michel PROST, qui a étudié les migrations dans les vallées alpines et dressé un registre de populations informatisé sur la Vallouise-en-Briançonnais. Un travail gigantesque, qui ne se contente pas des registres de paroisses, mais aussi des différents contrats, de toutes natures, et autres testaments qu'il a épluché et saisi dans les livres anciens des notaires de la région.

Quelques travaux de Michel Prost

Il m'a expliqué que les ESTIENNE, dans cette vallée, se comptent par milliers, sur plus de dix générations. Ils étaient même tellement nombreux, que - pour ne pas les confondre, car ils ont des prénoms souvent proches - on les différenciait par leur métier ou leur lieu d'habitation : ainsi, il y avait des "Pelissier", des "Rossignol", des "Burais"...etc.. M. Prost me précise que les ESTIENNE sont lettrés pour la plupart, et que nombre d'entre eux deviennent prêtre ou professeur. L'une de ses publication est d'ailleurs consacrée aux ecclésiastiques, leurs familles et les pratiques migratoires dans les vallées du Haut-Dauphiné.

Le contact s'est établi lorsqu'il a découvert qu'un certain Messire Vincent ESTIENNE, d'une fratrie de quatre, obtînt son "titre clérical" en 1645 et fut "possessionné de la cure de St.Lattier" en 1658. Il s'y est rendu accompagné de deux jeunes enfants orphelins de l'un de ses frère, Antoine, dans le but de les enseigner car ils étaient alors fort jeunes ; Jean, notre ayeul, devait avoir moins de dix ans, et sa soeur, Magdeleine, moins de huit ans. Naturellement, je recevais ces précieuses informations avec joie, pour ne pas dire gourmandise, car ses travaux allaient me permettre de faire un bond de dix générations d'ESTIENNE sur la Vallouise, jusqu'à notre plus ancien ancêtre connu, un certain Gonnet, qui vivait en lieu dénommé "La Pisse", de la paroisse de Vallouise, entre 1386 et 1448, dont les traces archivées nous permettent de dire qu'il avait quatre enfants, qu'il possédait des terres nobles (révision des feux de 1434) et dont on trouve plusieurs contrats d'achat de "tènements", moyennant des "florins". Au-dessus de Jean, on dénombre donc exactement neuf générations d'ESTIENNE "Mestre pelissier" pour la plupart, c'est à dire dont le métier était le travail des peaux de bêtes.

St. Lattier - l'église

A ce niveau, il convient de dire que le patronyme s'écrit ESTIENNE mais se prononce É-tienne. Ce n'est qu'à partir de la Révolution que - dans les registres d'état-civil - le "S" disparaîtra.



Nous voici donc vers 1700 à St.Lattier avec Jean qui va étudier, s'instruire, mais aussi travailler ; il sera "pontanier". Etant donné que le village est situé au bord de l'Isère, un fleuve sauvage à cette époque, il était nécessaire de pouvoir traverser d'une rive à l'autre, afin d'assurer les échanges, or les seuls ponts sont à Grenoble et à Romans. Dès le 14° siècle, un "bac à traille" est créé pour relier St. Lattier à Eymeux (en face) et Hostun. Mais comme Jean sait lire/écrire, il remplit très souvent le registre des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse ; le premier acte signé de sa main est pour la baptême d'un certain Joseph Chabran le 26 juillet 1668. Il devait avoir 18 ans.


Des lacunes dans les registres ne nous ont pas permis de retrouver son mariage, mais il est sûr qu'il est d'avant 1672 car en novembre de cette même année, sa femme Louise LOMBARD est dénommée "épouse de Jean ESTIENNE pontanier sur l'Isère". La famille habite au bord de la rivière, une maison qui existe encore de nos jours, et qui porte le nom de "Port de Périer", face à l'ancien bac à traille, dont des traces subsistent sur les berges. Le bac du Périer autorise le passage des "charrettes, coches, carrosses et équipages" ; il appartient au Seigneur de l'Arthaudière qui possède un chateau à quelques kms de St.Lattier, édifice que l'on peut visiter aujourd'hui.


Chateau de l'Arthaudière
Le Port du Périer en 1950

En 1675, Jean est dit "Sergent royal de St.Lattier" ; en 1685, il est dit "Huissier". Il faut dire que son beau-père lui a certainement été d'une aide dans cette ascension sociale, puisque Antoine LOMBARD fut lui-même Sergent royal de St.Lattier, et que sa femme, Emarentiane CHOSSON, descend d'une famille noble. Jean s'éteindra en 1706, il a 58 ans ; sa femme Louise en 1745, à 89 ans, après avoir déposé chez le notaire trois testaments. Ils eurent dix enfants, et donc une nombreuse descendance derrière eux.

Mort Jean ESTIENNE

Testament Louise LOMBARD

Pour la petite histoire, c'est par Louise LOMBARD et son ascendance CHOSSON que l'on se retrouve avoir des liens de sang avec de grandes familles de la noblesse française, en passant par les BANU-QASI (descendants de Cassius Fortunius BORJA, Comte wisigoth), ces fils de Cassius, qui gouvernèrent Saragosse, jusqu'à Egilona De CORDOBA l'arrière-petite-fille de Clovis. Mais cette petite liste n'est qu'exhaustive...

Comte Cassius, Seigneur de Tolède & Taragone
Princesse Egilona


A suivre : la saga des ESTIENNE de St.Lattier.

mercredi 15 novembre 2017

Histoire de la famille CAPDEPON

Histoire de la famille CAPDEPON

Louis & Marie Noémie, et leurs cinq enfants

Marie ETIENNE (eh oui, encore une Marie ! Il y en a des dizaines… et celle-ci, c’est « Marie, Noémie, Léonie, Eugénie » à son acte de naissance) épouse à Lyon en 1880 Louis Sylvain CAPDEPON natif du petit village d’Arudy dans les Pyrénées-Atlantiques. Marie a vu le jour à St. Lattier où son père Eugène était Notaire, et sa mère Gabrielle SAVOYE, fille d’un avocat de Romans. Le grand-père de Marie, c’était Jean ETIENNE, qui fut Maire de la ville durant plusieurs mandats, et dont le travail qu’il fournit lui valut la reconnaissance du Conseil Municipal à sa mort : celle d’une obligation d’entretien de son caveau à perpétuité.

A la mort de son
père, en 1877, Marie avec ses frères & sœurs s’installèrent à Lyon où sa mère Gabrielle, alors âgée de 40 ans, ouvrit une maison de soies & étoffes au 27 rue St.Pierre, dans un immeuble appartenant à la famille, (plus tard, Gabrielle ira au 10 rue Bât d’Argent, puis au 17 rue Malesherbes) ; il faut noter qu’entre 1815 et 1890 la fabrique de soie est le principal moteur de développement de la ville de Lyon, on y dénombre selon Wiki 372 maisons.

La
maison ETIENNE sera reprise et continuée par son fils Paul, considéré non seulement comme l’un des meilleur « soyeux lyonnais », comme on dit, mais qui s’intéressera à la vie de la capitale des Gaules, devenant Juge au Tribunal de Commerce de Lyon puis Président de la Chambre de Commerce. Mais à l’époque du mariage, Paul n’est qu’un gamin de onze ans, et Louis Capdepon travaille au service de Gabrielle comme représentant de commerce, habitant lui-même l’immeuble familial 27 rue St. Pierre.
Le 17 rue Malesherbes de nos jours
L’un des témoins du mariage est Félix PAQUEREAU, « teneur de livres » (i.e. comptable) à Lyon, et qui avait épousé quelques années plus tôt Anna ETIENNE, la sœur aînée de notre arrière-grand-père Hippolyte de St.Jean-en-Royans ; tous deux reposent d’ailleurs dans le caveau de St. Jean.

M
arie meurt à 36 ans en 1898, quelques semaines seulement après avoir accouché de ses jumeaux Pierre et Marie Capdepon, emportée par une embolie. Léon ETIENNE note dans ses carnets de 1921 : « Mère de famille et épouse admirable, et d'un cœur et d'un dévouement que l'on ne saurait trop louer, elle laisse des regrets unanimes et un grand vide dans la famille. » Elle sera inhumée à St. Lattier après une messe chez les Rédemptoristes à Lyon.

La grand-mère va prendre soin des enfants, alors très jeunes, mais lorsque le mari Louis Capdepon meurt à son tour en 1905 à Paris à l’occasion d’un voyage d’affaire, ceux-ci se retrouvent alors totalement orphelins. Gabrielle, l’aînée de 23 ans va se marier et partir en Écosse, aussi c’est la grand-mère qui va s’occuper des deux plus jeunes enfants qui n’ont que 7 ans.

Voilà pour le décor. On passe aux enfants…
1/ L’aînée c'est Gabrielle, comme sa grand-mère ! Elle va se marier en 1906 à Léonard MASFRANC, un Agent de commerce qu’elle suivra Glasgow, et de qui elle aura une fille, puis en 1919, après son veuvage, avec Émile CLÉMENT, veuf aussi, Avoué Grenoble, et lui-même descendant de Jean ETIENNE le Maire de St. Lattier. De ce second mariage, elle aura une fille, et une petite fille, Marie-Françoise J. de qui je tiens nombre de renseignements généalogiques.
En 1945, après la mort des demoiselles BELMONT, Gabrielle CAPDEPON reprend la direction du « Cours Belmont » à Lyon. A l’origine, en octobre 1902, suite à la fermeture des établissements dirigés par les congrégations, Mlles. Angèle & Marie-Louise BELMONT ouvrent un cours privé dans le second arrondissement de Lyon, en plein quartier d'Ainay, au 7, rue du plat. Avec Gabrielle, le Cours Belmont deviendra le Cours BELMONT-CAPDEPON et se réinstallera 43, rue Pasteur dans le quartier de la Guillotière. Gabrielle, pendant plus de trente ans et pleinement consacrée à sa mission d'éducatrice, marquera l'établissement par sa forte personnalité et par sa vitalité, sachant s'adapter à toutes les évolutions de l'enseignement et de la société. Le Cours a fêté son Centenaire en avril 2002 ! Les familles Belmont et Capdepon sont donc liées d’une façon très particulière… comme on va le découvrir par la suite….

Elisabeth Capdepon
2/ Après, vient Elizabeth, dite Lilette. Elle perd sa mère en 1898 à l'âge de huit ans, et son père en 1905 à l'âge de quinze ans. Avec ses frères & sœurs, elle vivra ensuite avec sa grand-mère, madame Eugène Etienne, née Gabrielle Savoye. Initiée à la montagne par son frère Jean, de cinq ans son aîné, elle fut l'une des rares femmes alpinistes de son époque et devint célèbre. Le 16 mai 1909, avec son frère Jean, Elizabeth ouvre une voie (Arête E) vers l'aiguille de la Combe, à 2853m, dans le massif de Belledonne. Morte accidentellement en montagne, Elizabeth a donné son nom à la « Pointe Elizabeth » et à l' « Aiguille Capdepon », dans le massif des Aiguilles d'Argentières. Cette Pointe Elizabeth est une dentelure des petites aiguilles d'Argentières dans le massif d'Allevard, une ascension réalisée la toute première fois par Jean et Elizabeth Capdepon, accompagnés d'Emile Piaget. Elle décède donc à 26 ans en août 1909, lors d'une course de montagne avec son frère Jean et sera inhumée au cimetière de Saint Christophe en Oisans où se trouve cette tombe.



Marie-Françoise
J. (petite-fille de Gabrielle) m’indique : « L'acte de décès a été signé, le 9 août par les deux guides qui ont descendu son corps à St Christophe, Jean-Baptiste et Jules Rodier. J'ai eu quelques renseignements supplémentaires sur leur compagnon de cordée, Richard Gley, décédé lui aussi. Son acte de décès, à St Christophe, indique qu'il était était né en 1875, était allemand, domicilié à Berlin, "professeur-chimiste. »


L’accident est relaté ici : Accident de la cordée Capdepon, le 6 août 1909, dans la descente du col des Écrins – de Henri Isselin, "La Barre des Écrins", Arthaud, édition de 1976, pp. 125 à 128.
Eglise-mémorial de l'Emm

3/ Ensuite, vient Jean. Les témoins de sa naissance sont Émile Clément, 44 ans, greffier en chef du tribunal civil de Grenoble (oui, le père de l’autre Émile Clément, avoué, qui épousera Gabrielle Capdepon en seconde noces) et Auguste Etienne, 64 ans, rentier à Saint-Lattier, son grand-oncle, un autre des fils de Jean, le maire de St. Lattier. Il a treize ans lorsqu’il perd sa mère, et vingt ans lorsqu’il perd son père. En 1904, il effectue son service militaire comme « engagé volontaire », au 12ème bataillon de Chasseurs alpins stationné à Grenoble ; de là, naît sans doute son goût pour l’alpinisme. Il rentre au Club Alpin Français, il rédige des itinéraires de courses dans son Bulletin. Avec sa sœur, il ouvre en 1909 une nouvelle voie vers l'aiguille de la Combe, à 2853m, dans le massif de Belledonne. En 1909, il est accidenté dans le massif des Ecrins dans une course où sa sœur, Elizabeth, dix-neuf ans, trouve la mort. Lui s’en sortira au prix d’efforts surhumains. (J’ai les récits publiés…).


Mobilisé en 1914, il est sergent, puis sous-lieutenant au 11ème bataillon de Chasseurs alpins et sert dans les Vosges sous les ordres du capitaine BELMONT, de Lyon. Il est blessé une première fois à Gerbewillers le 30 août 1914 ; il est tué à vingt-neuf ans le 17 juin 1915, à Metzeral, Haut-Rhin, où il est enterré avec la mention : « Mort au champ d'honneur ».


Il existe l’église de l’Emm, église paroissiale de Metzeral-Sondernach, lieu d’un pèlerinage séculaire dédié à la Vierge (Notre-Dame des Sept douleurs et Notre-Dame des Neiges), une église-mémorial consacrée aux soldats de la Grande Guerre tombés dans les Vosges, notamment lors de la bataille de Metzeral en juin 1915 ; le nom du Sous-Lieutenant Jean Capdepon y figure sur la plaque votive A6 coté Ouest.


Citation à l’Ordre de l’armée n°24
Les sous-lieutenants Jean Capdepon, Maurice Magnin, Michel Barrière, du 11ème bataillon de Chasseurs :
« Officiers remarquables de bravoure et d'entrain. Ont été mortellement frappés en entraînant brillamment leurs sections à l'assaut des tranchées ennemies ».


Lettre écrite, en date du 22 juin 1915, par le capitaine Ferdinand Belmont, commandant la 6ème Compagnie de Chasseurs Alpins.
« Capdepon a reçu une balle en plein cœur, alors qu'il entraînait ses hommes. Il a trouvé la mort impeccable qui lui convenait. Hier soir, 21 juin, en allant relever son corps dans les herbes et recueillir les objets qu'il avait sur lui, je l’ai trouvé étendu de tout son long dans la pose qu'il avait au moment où la mort l'a surpris, les traits parfaitement calmes, le visage naturel et gardant son expression habituelle. Voilà une mort belle et propre, irréprochable. Jean a dû mourir de la même manière, le 29 août, dans les genêts du Col d'Anosel. Devant de telles morts, on se demande s'il faut plaindre ou envier. La mort de Capdepon est une grosse perte pour la 6ème Compagnie et pour le 11ème. Il était d'une belle trempe et, en le connaissant, peu à peu j'avais appris à l'apprécier. C'était une nature attachante, une âme très sensible, délicate, fière mais généreuse et bonne, éprise d'idéal et dégageant une impression de noblesse.
Ceci s'est passé à la prise de Metzeral qui a été très coûteuse pour la compagnie dont je suis resté le seul officier, ayant perdu en une seule journée, 52 hommes, mes trois lieutenants et mon adjudant. « Dieu m’a laissé la vie, je ne sais comment ».


Lettre écrite par le Capitaine Belmont à Madame Etienne, grand-mère de Jean Capdepon.
« Ce 24 juillet 1915,
Madame,
Si les quelques mots que j’adressais à mes parents au sujet de Jean Capdepon peu de jour après qu’il eût trouvé cette mort glorieuse qui honore votre chagrin, si les termes dans lesquels je leur exprimais très imparfaitement mon estime pour lui vous ont vraiment apporté quelque adoucissement à votre épreuve, j’en remercie Dieu.
Bien que le nom de votre petit-fils, alpiniste intrépide fût connu bien avant-guerre de tous ceux qu’attirait la montagne, et bien qu’à ce titre j’eusse entendu parler de lui maintes fois, je n’avais jamais eu l’occasion de le rencontrer lorsque le hasard, vers le début de mars, l’amena dans ma Compagnie. Très vite, en le voyant à l’œuvre et en connaissant mieux les hautes qualités qu’il cachait sous sa réserve apparente, j’appris à l’estimer et me félicitai de l’avoir rencontré.
J’ai été heureux de le proposer pour le grade de sous-lieutenant et de le voir obtenir ce galon qu’il eût mérité depuis longtemps. Chef de section très actif, d’un courage admirable, estimé et respecté de ses hommes qui sentaient en lui toutes les meilleures qualités du chef, il était, dans cette Compagnie où sa disparition n’a laissé que des regrets, un précieux auxiliaire et un élément de confiance et d’entrain pour tous. Ai-je besoin de vous dire encore combien j’appréciais sa société, sa conversation, et combien j’eus vite fait de me lier à ce compagnon si vivant, si bon, si attachant.
Je savais qu’à l’heure des graves devoirs, il serait à la hauteur de sa tâche, quelle qu’elle fût. Il l’a bien prouvé. Du moins sa mort a été digne de lui, simplement, héroïquement rencontrée en conduisant ses hommes sous les obus et les balles, avec ce même calme, cette même attitude froide et résolue qu’il devait avoir autrefois pour forcer un passage difficile de ces Alpes où il avait appris à mépriser le danger et à le terrasser.
Devant de pareilles morts, on ne peut qu’admirer et se taire, mais elles ne sont pas inutiles. Leur exemple est plus éloquent que toutes les paroles. Que la certitude de cette générosité poussée jusqu’à l’accomplissement du sacrifice le plus désintéressé soit pour vous, Madame, et pour tous ceux qui l’aimaient, un gage de résignation et de légitime fierté.
Pour nous qui l’avions trop peu connu, il laisse un souvenir et un exemple ineffaçables.
C’est au nom de tous ses compagnons qui le regrettent et de tous ses hommes qui le vengeront que je vous adresse, Madame, l’expression de notre sympathie respectueuse et l’assurance de notre entier dévouement ».

Vous comprendrez mieux, maintenant, les liens existant entre les deux familles.
Pierre Capdepon
4 et 5/ Ensuite, viennent les jumeaux : Pierre & Marie qui naissent en 1898 et passent leur enfance chez la grand-mère à Lyon rue Malesherbe, puis aux Charpennes, enfance et jeunesse marquées par les deuils successifs qui frappent la famille Capdepon. Il ne connaîtront pas leur mère, morte des suites de leur naissance et seront élevé par leur grand-mère. Ils ont sept ans lorsqu'ils perdent leur père, huit ans quand Gabrielle, leur sœur aînée, se marie et part vivre en Écosse, onze ans lorsque leur sœur Elizabeth meurt dans un accident de montagne en Oisans et dix-sept ans quand leur frère Jean est tué au combat dans les Vosges, en juin 1915.


Pierre, désireux de suivre l'exemple de ce frère de douze ans son aîné et qu'il admire, s’engage comme volontaire fin 1915. A dix-sept ans, il est élève caporal au 30ème bataillon de Chasseurs Alpins. Il est ensuite envoyé sur le théâtre des opérations et sert comme aspirant au 51ème bataillon de Chasseurs Alpins. Mais lui-aussi est tué à dix-huit ans, le 16 août 1916, au combat de Maurepas dans la Somme. Son corps sera, comme il l'avait demandé, ramené auprès de celui de son frère à côté duquel il repose, dans la forêt de Metzeral, Haut-Rhin. En 1920, il sera décoré de la médaille militaire, à titre posthume.


Dernière lettre de Pierre à sa famille

Dimanche 16 juillet 1916
A ma famille,
Dans deux jours, nous allons partir à l’attaque. Si jamais à moi aussi les hasards de la guerre étaient funestes, à quoi d’ailleurs il faut s’attendre, je tiens dans cette dernière lettre :
A remercier tous mes parents, spécialement mes sœurs, tante Jeanne, oncle Paul et tante Magdeleine des soins dont ils m’ont toujours entouré et de l’affection qu’ils n’ont jamais cessé de me témoigner. Je leur demande également à tous de me pardonner. Si ma vie n’a pas toujours été conforme à ce qu’elle aurait dû être et si par ma faute je leur ai occasionné soit aux uns soit aux autres un chagrin quelconque, j’espère que ma mort qui sera conforme à celle de notre pauvre Jean, c’est-à-dire face à l’ennemi et sans défaillances, me réhabilitera aux yeux de tous et que de mes petites fautes il n’en sera plus question.
Pour mes sœurs et ma petite Betty spécialement, je regrette que le sort ne me laisse pas en vie pour pouvoir les aider et les soutenir un peu, mais je souhaite de toute mon âme qu’elles aient toutes trois une vie plus heureuse et exempte de souffrances et de peines.
Je désirerai maintenant :
A/ Être enterré si possible avec mon frère. Puisque nous serons tombés ensemble pour la même belle cause, il est juste que nous dormions ensemble.
B/ Je voudrais également que le petit capital que je possède soit partagé de la façon suivante : 1/3 à Bébelle ; 1/3 à Mimi ; 1/3 à Betty.
Ce sont là tous mes derniers désirs. Je prie encore tous mes parents de ne point trop me pleurer. J’ai eu la mort que tout Français doit envier car c’est la plus noble. Souvenez-vous, pour moi aussi, des paroles du Capitaine Belmont « Il ne faut pas pleurer, il faut envier ». Encore une fois merci à tous. J’embrasse affectueusement toute ma famille et c’est avec courage que je leur dis « au revoir».
16 juillet 1916, Franchers, ds la Somme
P. Capdepon


CITATION A L’ORDRE DU 20ème CORPS D’ARMÉE AVEC LE MOTIF SUIVANT
« Jeune engagé volontaire de la classe 1918, chef de section d'un entrain et d'un courage au-dessus de tout éloge. Blessé d'un éclat d'obus à la gorge, a refusé de se laisser évacuer. A entraîné superbement sa section sous un violent tir de barrage d'artillerie et de mitrailleuses. Est tombé glorieusement en abordant les tranchées ennemies ».


Marie, orpheline, ayant perdu ses deux frères à la guerre et une sœur en montagne, est élevée et adoptée officiellement en janvier 1925 par sa tante CREPET, née Rose Marie Jeanne ETIENNE, dont le mari est Ingénieur à la CAFL. Marie est restée célibataire. En 1920, elle entre comme professeur aux Cours Belmont de Lyon, fondés par Mlles. Angèle et Marie-Louise Belmont et en 1980 elle en devient la directrice. Selon ses volontés, elle sera inhumée à Saint-Lattier en 1995, rejoignant ainsi ses chers et regrettés parents.

 


Fin de l’histoire. Faut-il ajouter des mots ? Non, ils seraient inutiles. On ne peut que s’incliner devant tant de malheurs. La pauvre grand-mère Gabrielle est morte à Lyon en 1916, sans doute très éprouvée par la mort de sa fille, sa petite-fille, son gendre, et son premier petit-fils, et juste avant la mort du second. Elle repose à St.Cyr-au-Mont-d'Or.